Ouahigouya : « Je suis retraité mais je vais terminer l’année scolaire avec mes élèves », BATIONO Nébila, Professeur de Français au Lycée Yadéga de Ouahigouya.

C’est en 1987 qu’il débuta sa carrière d’enseignant de français lorsqu’il faisait son service National pour le Développement (SND). Sa passion pour le métier le conduira au Lycée Saint Jean Bosco et au collège Yiguiya dans la capitale Burkinabè. En 1993, il sera affecté au Lycée Yadéga de Ouahigouya, établissement où il a passé toute sa carrière. A la date du 11 avril 2021, cela fait exactement 28 ans de service rendu à la Nation Burkinabè par Bationo Nébila, professeur de français des lycées et collègues. Celui que EDUCMEDIAS ouvre ses pages est un exemple particulier pour avoir tenu la craie durant 28 ans dans un seul établissement . Lisez plutôt !


BATIONO Nébila, nouveau retraité

EDUCMEDIAS : Qui est BATIONO Nébila pour à nos lecteurs ?

BATIONO Nébila (BN) : Je suis Bationo Nébila, enseignant de français des lycées et collèges précédemment en service au Lycée Yadéga de Ouahigouya et nouvellement admis à la retraite. Je suis aussi un acteur de lutte pour la promotion et la protection des droits humains car actuellement secrétaire aux relations extérieures du Mouvement Burkinabé des Droits de l’Homme et des Peuples MBDHP. A ce jour, soit 72 heures après mon admission à la retraite (11 avril 2021), je me considère comme nouveau retraité mais toujours actif car je continue les cours avec mes élèves pour terminer l’année scolaire.

EDUCMEDIAS : Quel est le sentiment qui vous anime au lendemain de votre admission à la retraite ?

BN : Après plus de 30 ans d’enseignement, c’est un sentiment de joie qui m’anime car à ce jour, je me porte bien moralement et sur le plan sanitaire et nous rendons grâce à Dieu. Faire ce travail et atteindre la retraite en bonne santé, c’est une autre chance qui n’est pas donnée à tout travailleur. Nous sommes dans un pays où les questions de santé sont cruciales. Le second élément de ma satisfaction est le contact avec mes collègues et surtout avec les élèves. Je garde de bons souvenirs et nombreux sont ceux à travers divers moyens, reconnaissent que nous avons été à quelque part un architecte ou maçon de leur réussite, leur succès. En un mot, j’ai l’esprit tranquille et le sentiment de ne rien me reprocher après mes 28 ans au Lycée Yadéga de Ouahigouya.

EDUCMEDIAS : Que comptez-vous faire après cette retraite

BN : Quand on est enseignant, on n’a pas de repos car il y’a le travail intellectuel comme la lecture, l’écriture qui se poursuivent. Par exemple, mener des actions de sensibilisation sur les questions de droits humains, participer à des conférences seront mes occupations. Le fait d’être à la retraite ne m’empêche pas de continuer mon militantisme si ma santé me le permet car à 60 ans on n’est plus solide comme les temps antérieurs. Le militantisme, on le vit jusqu’à à la tombe et il n’y a pas une période donnée pour un bon militant qui doit toujours contribuer au développement de sa nation.

EDUCMEDIAS : De nos jours nous constatons que le niveau académique a connu une baisse sensible, surtout dans la matière que vous avez enseignée ? Qu’est ce qui peut expliquer cela ?

BN : Avec un enseignement qui se fait dans une langue étrangère, c’est difficile de la transmettre car il y’a la difficulté de sa maitrise et en plus la capacité d’appréhender les contours du savoir à transmettre. L’absence du contact entre les enfants qui ne parlent pas la langue et du dégout de la lecture traduisent également les insuffisances dans l’enseignement du français. Au regard de cette distance des élèves avec les livres et le manque des bibliothèques bien documentées dans nos établissements scolaires, nous ne pouvons que faire ce triste constat. Si les décideurs ne prennent pas de sérieuses dispositions face à cette baisse du niveau, ce n’est pas bien pour nous. Par exemple, dans une classe de terminale avec un effectif de 80 élèves, vous faites un devoir de français et vous n’avez que 5% qui ont la moyenne en français, cela donne à réfléchir.


EDUCMEDIAS : Comment peut-on relever ce défi lié à cette baisse inquiétante du niveau général ?

BN : De plus en plus, nous voyons qu’il manque de sérieux dispositifs pour permettre aux enfants d’avoir un bon niveau académique. Il faut amener les enfants à lire en dotant les établissements scolaires de bibliothèques riches en documents. Les reformes sur le BEPC ou le BAC qui font actuellement la polémique ne sont pas la solution mais la mise en œuvre d’une vraie politique de l’éducation pourrait sans doute résoudre cette question. Soit on prend le taureau par les cornes en faisant de reformes sérieuses soit on opte de rompre et enseigner dans les langues qu’on maitrise ou qui ne créent pas de problèmes pédagogiques.

EDUCMEDIAS : Vous avez passé une grande partie de votre carrière à militer dans le mouvement syndical, quel bilan faites-vous de ce combat ?

BN : Je suis plus dans les mouvements des droits de l’homme que dans le syndicat. C’est avec nos multiples interventions dans ce milieu qu’ils sont nombreux à croire que je suis plus dans le mouvement syndical. A l’heure où je vous parle, je suis secrétaire aux relations extérieures du MBDHP ! Je tire une grande satisfaction des luttes que nous avons menées depuis des années. Du cas Norbert Zongo, de l’insurrection à la résistance populaire contre le coup d’état du 15 septembre 2015, nous avons senti que les populations ont commencé à comprendre l’importance de lutter. Bref, je suis satisfait de mon engagement car je sais que nous avons contribué à faire bouger les lignes dans ce pays. Il y’a des syndicats combatifs qui se battent toujours. C’est une bonne chose et je les invite à aller au-delà des questions corporatrices car sur les questions de changement, il faut battre large et se réorganiser pour lutter efficacement. Malheureusement, nous constatons une triste répression contre les travailleurs qui luttent pour la protection des droits et la défense des intérêts des populations. Toute chose qui n’avance pas le développement dans un pays. Il faut que les populations se réorganisent car ceux qui sont venus au pouvoir à la faveur de nos pistes tracées semblent se retourner contre leurs amis d’hier. Il faut donc resserrer les rangs car seule la lutte libère.

EDUCMEDIAS : Oui, mais est-ce que vous ne regrettez pas cette position qui ne vous a pas permis d’atteindre le sommet ? Par exemple être sollicité pour un poste de nomination.

BN : J’ai été à plusieurs reprises proposé pour le poste de proviseur, directeur ou censeur mais je n’ai pas voulu par principe personnel. J’ai opté d’être en classe et d’y rester jusqu’à la retraite, c’est ce que j’ai fait jusqu’à ce jour. Personnellement je n’aime pas le travail de bureau pas pour dire que je suis contre les autres mais c’est ma ligne de conduite. J’avoue que même si j’allais mourir et revenir en vie, j’allais opter pour la classe. Je me sens plus avec les enfants en classe et je vous informe que je n’ai pas de problème avec les élèves.


Il faut toujours maintenir la lutte pour de meilleurs conditions de vies de travailleurs et des populations

EDUCMEDIAS : Quelle appréciation faites-vous de la gouvernance au pays des hommes intègres ?

BN :La gouvernance actuelle, je la perçois comme bon nombre de citoyens burkinabè. Par exemple quand on analyse les questions de droits humains, il reste beaucoup à revoir. Par exemple, l’accès à l’eau, à l’éducation et à la santé est toujours la même misère. Sur le plan de la corruption, on a beaucoup de cas déplorables où on tourne en rond sur certains dossiers qui devraient être jugés rapidement. Il faut encore un sérieux travail de mobilisation des populations afin de contraindre les dirigeants vers une gouvernance ou on sentira une meilleure justice sociale.

EDUCMEDIAS : Votre mot de fin ?

BN : Comme mot de fin, je voulais traduire tous mes encouragements et reconnaissances à votre média qui malgré les conditions difficiles, travaille à informer les populations de manière saine. Je voudrais également traduire toutes mes reconnaissances à tous ceux qui nous ont crus et qui nous encouragent à toujours travailler pour le meilleur aboutissement de nos engagements au profit des peuples. Par exemple, je pars au repos en milieu d’année mais j’ai opté de continuer car je ne peux pas laisser mes enfants en cours de chemin. Du public au privé, j’ai décidé de terminer l’année scolaire avec mes élèves. Après ce temps dans la fonction publique, nous serons plus libres et je mettrai à profit cette liberté pour travailler pour la justice sociale, la protection et la défense des droits humains.

Propos recueillis par Drissa Wendbark

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